Wells Chandler est un artiste américain né en 1985 à Virginia Beach en Virginie qui a grandi au Texas dans une famille conservatrice. Il se définit comme un boi transgenre non binaire fluide et souhaite être genré au masculin. Il est peintre et utilise des matériaux vernaculaires tels que la pâte polymère, la laine acrylique, la résine et la mousse ainsi que des objets de décoration. Le dessin, seul ou à plusieurs, est au centre de sa pratique artistique. Ses principaux médiums sont le crochet, la broderie et la décoration de gâteaux, qu’il décrit comme « autant de marques du genre de femme que je ne suis jamais devenu » [1]. Wells Chandler nous invite dans chacune de ses expositions, à explorer Queertopia, un monde psychédélique où le règne suprême est loufoque et profond et dans lequel évoluent des corps aux couleurs vives désessentialisés, des corps queer qualifiés d’inter-entre-deux [2].
A la Galerie Eric Mouchet, il présente une nouvelle série d’oeuvres spécialement conçues pour l’occasion et pour le lieu, qui prennent comme point de départ le retable d’Issenheim, l’oeuvre préférée de l’artiste en France. Consacré à Saint Antoine, peint par Matthias Grünewald de 1512 à 1516, ce retable fut réalisé pour l’hôpital du monastère des Antonins qui hébergeait essentiellement des patients souffrant d’ergotisme, une maladie résultant de l’ingestion de seigle infecté par un champignon microscopique qui provoquait des hallucinations et des douleurs très vives. L’artiste voit et décrit les scènes peintes par Grünewald, notamment les panneaux consacrés à la Crucifixion, à Saint Sébastien et à l’agression de Saint Antoine par les démons, comme des scènes BDSM [3] trans-espèces qu’il a eu envie de confronter aux corps queer qu’il montre habituellement dans ses expositions.
Wells Chandler utilise les couleurs vives, car pour l’artiste, la gaieté, la joie sont des options radicales qui déstabilisent le pouvoir. Il aime utiliser le rouge, le jaune et le vert, qui sont aussi les trois couleurs alchimiques qu’il faut traverser pour passer initiatiquement du plus sombre au plus lumineux. Les couleurs apportent à ses oeuvres une étrangeté joyeuse en contribuant à la construction de corps non conformistes qu’il genre très souvent comme bois. Par son inclusivité queer, boi, encore peu utilisé en France, qualifie des masculinités performées autant par des hommes et des femmes cis genres, transgenres et inter sexes qui permettent de construire une alternative crédible aux catégories définies à l’époque du patriarcat hétéronormatif. Wells Chandler crée ainsi des corps utopiques. À la place de leurs organes sexuels jaillissent des arcs-en-ciel. Ces assemblages biologiques lui permettent d’agencer d’autres matérialités organiques et que ces corps jouissent de leur insoupçonnable plasticité dans un état de joie hallucinatoire.
Pascal Lièvre
[1] Caroline Wells Chandler: Pied Piper of weirdness, Two coats of Paint, May 2009
[2] Caroline Wells Chandler, Orange sunshine, The visualists, Novembre 2017
[3] BDSM pour bondage, discipline, sadomasochisme, désigne un ensemble de pratiques sexuelles et contractuelles sadomasochistes
PLUS D’INFORMATIONS :
// St. Anthony’s Fire (01/02-07/03/2020)
// Dossier de presse
// Wells Chandler
Expositions